Le Conseil d'État affine la gouvernance des groupes vétérinaires : vers un équilibre entre indépendance et financiarisation
auteurs
alexandre arbabe Avocat Directeur Associé
Parole d'expert
19 septembre 2024

Le Conseil d'État affine la gouvernance des groupes vétérinaires : vers un équilibre entre indépendance et financiarisation

Le Conseil d'État affine la gouvernance des sociétés d’exercices réglementées : vers un équilibre entre indépendance et financiarisation

Avec l’arrêt du 12 septembre 2024, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence récente du 10 juillet 2023 rendue dans le cadre des conflits entre les groupes vétérinaires et le CNOV et l’usage de la doctrine d’emploi arrêtée sous l’égide du Ministère de l’Agriculture publiée le 8 décembre 2023.

La jurisprudence du 10 juillet a mis en avant la notion de contrôle effectif de la société d’exercice par les praticiens. L’analyse du contrôle effectif implique de prendre en compte l’ensemble des mécanismes des statuts et des conventions extra-statutaires pour apprécier si les statuts et le pacte d’associés des sociétés considérées comportent des stipulations qui sont formellement conformes aux exigences légales de contrôle, la conjonction de leurs stipulations « conduit à ce que les garanties prévues par ces dispositions législatives soient (…) privées d’effet, dès lors qu’il en résulte que les associés professionnels exerçants, quoique détenant la majorité des droits de vote, ne sont pas en mesure de contrôler effectivement la société ».

  • Les arrêts du 10 juillet ont en conséquence sanctionnés les dispositions statutaires et conventionnelles suivantes privant les praticiens de leur indépendance :
  • Les règles dérogatoires de majorité et de quorum qui permettaient aux associés financiers, propriétaires d’une minorité suffisante, de bloquer l’adoption d’une décision,
  • La validation des décisions stratégiques prises en Assemblée par un comité majoritairement contrôlé par les associés non professionnels,
  • Les promesses unilatérales de vente des titres détenus par les professionnels, exerçables à tout moment et à la seule main des associés financiers,

Ou encore d’autres clauses visant à établir à un contrôle préalable de la gouvernance.

Ils n’ont, par contre, pas sanctionné les dispositifs aménageant la répartition des droits financiers entre les associés :

  • L’utilisation d’actions de préférence de dissocier les droits financiers des droits de vote, dès lors que la majorité du capital social de la société d’exercice est, en nombre d’actions, détenue par des associés professionnels en exercice dans la société, et que ces derniers puissent en assurer le contrôle effectif ;
  • Le recours au prêt d’action ;
  • La détention d’une action par un praticien, dès lors que le solde des titres devant être détenu par les praticiens associés professionnels de la société est la propriété d’un ou plusieurs praticiens en exercice dans la société.

Les recommandations émises par le Gouvernement dans la foulée respectent cette ligne de partage. Ainsi, par exemple, « La répartition inégalitaire des bénéfices et des droits financiers entre associés professionnels et associés financiers n’affecte pas l’indépendance professionnelle des premiers, sous réserve de clauses abusives. 

Ceci rappelé, les Ordres et syndicats professionnels ont vu  dans ces arrêts et recommandations un signal fort de la haute juridiction et du Gouvernement non pas un rééquilibrage mais un fondement suffisant pour arrêter les opérations d’acquisition via LBO.

L’arrêt du 12 septembre 2024 confirme la volonté de réguler - mais non d’empêcher - les opérations d’acquisition des sociétés d’exercice par les fonds d’investissements et les rapports entre les deux catégories d’associés participant à ces opérations au nom de l’indépendance des premiers sans compromettre leur coexistence.

La remise en cause des actions de préférence et de la répartition inégalitaire des droits financiers entre associés semble désormais exclue, ainsi que la compétence des Ordres pour s’assurer du contrôle effectif par les praticiens des holdings tiers.

Enfin, le Conseil d’Etat semble également tracer une limite aux exigences des autorités de tutelles quant à la communication des conventions extra-statutaires.